Les historiens sont encore en proie à des querelles intestines, pourtant les sommets de la reprise en France semblent bien avoir été atteints dans le milieu des seventies. Johnny Hallyday, Eddy Mitchell et surtout Richard Anthony, en magnifiant dans la langue de Molière les textes venus d’outre manche (Buvons le cidre typhons, Qu’est-ce qui m’arrive aujourd’hui, je suis amoureux de ma femme, Tchin-Tchin à ma santé, etc.) auront contribué à installer cet état d’esprit de transposition déviante, cette philosophie de la reprise dans l’hexagone.

L’art de la reprise est un art comme son nom l’indique, un art exigeant, à cheval entre figure libre et exercice de style. Une trame prédéfinie sur laquelle « le jeune » vient plaquer sa culture et son humeur du moment. La reprise, c’est un peu la correction d’une époque par une autre, la sensibilité de quelqu’un plaquée sur l’affectivité d’un autre, en somme…

En soit, la reprise est à la musique ce que l’art brut est à l’art académique, un délire païen où l’auditeur de base réinvente l’univers de sa star, de son hymne, prenant bien souvent quelques libertés avec l’original. En sortant du contexte initial le morceau, l’armateur de la reprise insuffle un renouveau, un décalage poétique, un rituel fétichiste qui consiste à prendre à bras le corps le morceau et lui conférer un autre univers, le sien.

Dans cet état d’esprit, les musiciens présents sur cette compile se sont méchamment lâchés, laissant poindre jusqu’à nos oreilles une auberge espagnole sonore inhabituelle et déviante. Pillant, spoliant ce que la culture populaire (ou pas) a fait de mieux (ou pas), les têtes brûlées de TP, le label tourangeau dont tout le monde parle, viennent dynamiter les canons musicaux de notre enfance et de notre culture commune. Avec ce sens du décalage et de l’humour affûté qui les caractérise, on redécouvre en leur compagnie le patrimoine mélodique de ces 30 dernières années.

A première vue totalement foutraque et perturbante, la longue litanie de titres provoquent les rapprochements incongrus d’artistes et de groupes, la proximité inconvenante de styles et de genres…Sabrina, Bauhaus, Bryan Adams, Europe, Rage Against The machine ; Folk, Country, hip hop, minimal techno, proto new wave, lo-fi, etc.

Parmi les chefs-d’œuvre d’art populaire de cette compilation, on découvre The Final Countdown des suédois d’Europe, revu et corrigé en Tango argentin ! Joey Tempest est renvoyé dans les cordes, un bouquet de roses rouges en travers de la gorge. Un titre plus beau que l’original (si, c’est possible). Il y a aussi ces variations cheap-bon marché, version bontempi de Move on up de Mayfield, Everything i do de Bryan Adams passé à la moulinette de la flûte à bec d’une classe de collège de province, Bob Marley revisité en tube électro-rock !! Plus loin, on chemine dans les reprises 80’-90’ depuis Rage Against The Machine (tronqué en Blues Cajun magnifique), au Bauhaus (dans une version bossa-no wave), Girls and Boys de Blur et Negative Creep de Nirvana façon Tube Indie (indien) pop ; Boys boys boys et sa lente dérive no-wave, Grandmaster Flash visité par le Miami Sound Machine, du Cure, du Police, les Beach Boys, des comptines pour enfants, j’en passe et j’en oublie…

Cette compilation est une merveille, puisqu’elle cultive dans le même temps, ce talent si singulier de l’étonnement, de l’ébahissement mêlé à un second degré sans préjugé ni œillères. C’est drôle, inventif, exigeant, varié, extraverti, et cohérent dans sa douce démence. En somme, tout ce qu’on demande à une compilation.

Avec Boogers, Camping Car, Charli Circus, Chazam & Juan Tomas, Classe de 4ème B du collège adonis de Varec, Croque Love, DJ 2 lasoochav, Electroménager, Gab Gordon, Herbert Von Schkröniöniö, Iologic, K. Baboon & the Gil Geiger Orchestra, Les Reines Incertaines, Les Taupes aware, Maison tellier, Paprika, Philippe 2, Pouic pouic, Presidentchirac, Rodan trümmel (epsilon sigma club), Sister Oh !(& the smooth four) et les Trash fcuk music.

LA CLASSE AMERICAINE.

J.J.
bienvenue chez travaux publics / deux nouveaux chantiers sont en cours... cloture le 01 août 2009... sortie en octobre !! / travaux publics : parce que la musique va mal